third
Mai 2021

Numéro six

Retrouvez le numéro six de
Third : Le numérique peut-il sauver la démocratie ?

Third | Mai 2021

« La démocratie numérique c’est le peuple en réseau : pour éviter de disparaître, le politique doit s’en saisir et réinvestir l’espace numérique »

Entretien avec Nicolas Vanbremeersch, président de Spintank, administrateur de Renaissance Numérique et auteur du livre « De la démocratie numérique » (Le Seuil, 2009).

 

Third (T) : Diriez-vous que le numérique n’est que la continuité du monde physique, soit une duplication de la réalité appliquée au numérique, ou, au contraire, un nouvel ordre, à part, avec ses propres lois, et dans lequel évoluent des acteurs endogènes ?

 
Nicolas Vanbremeersch (NV) : Le numérique ne suit pas un chemin unique, déterministe et uniforme. Un ensemble de forces complexes et divergentes l’animent, depuis ses débuts. On peut les regrouper autour de deux directions divergentes :

– D’une part, l’idée d’un espace public numérique, initialement formé par le world wide web. Il a longtemps été porteur d’utopies, de rêves de nouvelles règles, de recomposition. Des pionniers l’ont pensé comme un tiers espace, au sens de sa conception contenue dans la Déclaration d’indépendance du cyberespace de John Perry Barlow. Il portait l’espoir d’un espace alternatif, qui pourrait s’établir sur de nouvelles règles, une émancipation des contraintes de nos démocraties, de nos espaces imparfaits, par opposition à ce qui s’était fait jusqu’alors. Cette utopie fondatrice, mais puissante dans les imaginaires, a très rapidement été mise à mal, dès les débuts, d’ailleurs. La logique de réinvention des règles a dû se mâtiner avec le fait que cet espace public interagissait, dès le départ, avec les autres espaces publics traditionnels et entrait en conflit avec eux. Pour autant, il y a toujours cette idée d’un espace spécifique, avec des forces qui renouvellent la participation à l’espace public : le web reste malgré tout un nouvel espace public distinct de l’espace social physique et tangible, et de l’espace intellectuel médié d’avant le numérique. C’est cette constitution d’un espace neuf, libre, mélange entre sociabilité et publicité, qui est sans doute un des moteurs de la transformation de nos sociétés les plus profonds de la dernière décennie. Cette force, c’est la force de la société mise en réseau, et l’idéal de ses plateformes emblématiques est de connecter tout le monde, partout. C’est la grande idée révolutionnaire du web et des réseaux sociaux, contre l’idée de l’informatique.

– La seconde force que j’identifie n’est pas centrée sur la mise en réseau des individus, mais sur la digitalisation des informations. C’est l’informatique, plus que le web : c’est l’idée de numérisation des processus et de la transformation de toutes nos sociétés en données. Cette révolution numérique n’est pas celle du web. Elle est plus ancienne, son héros est l’ingénieur, elle rêve du big data. Cette seconde approche est plus structurelle et davantage proche des flux business que la première, elle trouve son origine dans les codes administratifs, dans la transformation des flux humains en codes. Ce processus est aussi un imaginaire sans fin : l’aspiration des grandes sociétés de la tech est de « tout » transformer en données, avec un imaginaire clé fondé sur l’intelligence artificielle et les algorithmes.

Aujourd’hui, quand on parle de numérique, on mélange allègrement ces deux forces. L’une cherche la codification de nos vies, l’autre la connexion des individus. Dans les deux cas, ces mouvements très puissants sont constitutifs de nouvelles donnes fondamentales, d’une puissance. Elles forment un contexte, avant tout, pour l’exercice de la démocratie.

Face à ce contexte, les institutions du monde ancien, de médiation des individus, ou d’organisation de l’information, les médias, les politiques, les autorités de contrôle, ont historiquement raté cette révolution. La révolution numérique était une opportunité de redéfinition de ces médiations. Les anciens médias, représentants, y ont vu d’abord une anecdote, puis, trop tard, quand la société s’y est installée, qu’elle y a formé des alliances avec de nouveaux acteurs des médiations, une menace. Aujourd’hui, les acteurs institutionnels persistent toujours à considérer leur sujet quasiment uniquement comme une lutte contre les grands acteurs de la tech, en oubliant de chercher à faire alliance avec la société. C’est devenu un conflit de pouvoir, dans lequel les médias comme les pouvoirs politiques oublient de s’intéresser profondément aux deux forces fondatrices, à la société connectée.
 

T : Avec le recul qui est le vôtre, qu’est-ce qui différencie le numérique de 2010 de celui de 2020 ? En particulier, qu’est-ce qui différencie la pratique de la démocratie numérique des années 2010 avec celle d’aujourd’hui ?

 
NV : Un changement fondamental et imperceptible s’est produit dans les années 2010. Le web est passé de lieu alternatif (lieu de contestation, d’outsiders, lieu d’opportunités avec la constitution de communs très importants) à une force d’organisation quotidienne normalisée, standardisée. Si la digitalisation des processus a été massive, le politique est resté, en revanche, extrêmement monolithique.

Les années 2005-2010 sont celles de « l’émergence ». À une époque où les lois sont encore faites dans des parapheurs, l’espace public connaît une révolution très forte. Le référendum de 2005 et la campagne de Barack Obama en 2008 en sont une bonne illustration. L’espace commun du web qui émerge est source d’opportunités de réseaux, avec la mise en connexion des individus et l’ouverture de la participation à la parole publique. La capacité d’expression se fait très forte, sous l’effet de l’équipement, qui permet à chacun de s’ériger en média. Cette époque a été à la fois source de nombreuses tensions et d’ouvertures. Celles-ci vont se cristalliser entre 2008 et 2012, à l’époque du premier temps de crise de l’émergence du numérique en politique (c’est l’époque des printemps arabes).

Puis, une nouvelle phase s’ouvre au cours de laquelle les pouvoirs publics et les acteurs de l’espace public (les médias, les politiques) intègrent, dans leurs campagnes, des éléments du numérique. C’est l’époque de l’accélération de ces processus par la « plateformisation » de l’espace public. On passe d’un web chaotique, s’appuyant sur des acteurs peu structurés, à une urbanisation de l’espace public autour de grandes plateformes (Instagram, Twitter, Facebook, Google, Whatsa, etc.). On observe un effet de standardisation : des normes de participation se créent, qui facilitent l’intervention et l’intégration de tous dans l’espace public. Ces standards captent et organisent le pouvoir de la foule en réseau. Concomitamment, les acteurs de la démocratie font face à un retard : les pouvoirs politiques n’ont pas compris qu’il fallait être dans cette temporalité, qu’il fallait être acteur de ces normes, de cette participation, qu’il fallait en être designer, organisateur. Ils restent des participants tentant de jouer à la marge, à leur profit, lors d’une campagne, ou d’un moment, le numérique comme un outil à leur service.

La décennie 2010-2020 marque le moment où les plateformes ont compris que le pouvoir était dans la participation de tous alors que les institutions ont raté ce tournant. Les acteurs de la démocratie et ceux qui organisent le débat n’ont pas réussi à devenir des architectes ou des plateformes pour l’expression de chacun. Ils n’ont pas réussi à créer de liens avec la participation du peuple structuré en réseau.

Il n’y a plus eu de grands débats pendant une période. L’énergie et l’attention des acteurs institutionnels s’étaient alors détournées de l’idée d’organiser la prise de parole et de structurer les débats, pour, au contraire, se focaliser sur le modèle proposé par les plateformes.

Le pouvoir des plateformes est fort. C’est pour cette raison que les élus politiques et les acteurs médiatiques, qui n’ont pas compris qu’ils pouvaient devenir des « organisateurs de communautés », ont investi les réseaux en adoptant les schémas politiques que les grandes plateformes d’organisation de l’espace public proposaient. L’année 2020 marque la tentative (qui a cours depuis quelques années) de reprendre ce sens politique, alors que le rapport de force est inégal : ceux qui peuvent organiser et capter la participation de la multitude ne sont plus ceux qui le faisaient dans l’espace démocratique traditionnel. Ce sont ne sont plus les institutions, mais des acteurs privés, marquant ainsi l’échec stratégique du politique et du médiatique à canaliser et organiser la parole publique. Le manque de culture technique dans les univers politiques occidentaux en est la raison.

Une idée en vogue s’est installée ces dernières années, à propos de ce que l’on pourrait nommer les « illusions perdues du web ». Certains pionniers auraient vu leur rêve et leurs idéaux trahis par la privatisation du web. Cette théorie constitue un mauvais cadrage avec lequel je suis en désaccord. D’une part, ces idéaux, présents chez certains pionniers du web californien, n’ont jamais opéré sur l’architecture du réseau ni sur les pratiques : ils n’avaient pas de conséquences opérationnelles sur la gouvernance ou sur la manière de concevoir la technique. Il était initialement facile de considérer le web comme un pharmâkon (il s’agit du concept développé pour le numérique par Bernard Stiegler, soit une dualité entre bien et mal, ou encore le poison et le remède) et d’appréhender l’organisation proposée par le réseau comme une grande force de mise en réseau dénuée de tout idéal.

Aujourd’hui, la narration des illusions perdues est une manière de « coller » à la réalité voulant que le web aurait perdu et que le numérique serait source de maux, et que la manière d’y remédier serait de recoller à un idéal du web, communautaire, émancipateur, un peu naïf. Le numérique est une source de transformations, ni en bien ni en mal. Il n’est en revanche, clairement, pas seulement source de disruption, de haine, de violence, de racisme, de fake news, comme les pouvoirs aiment à le caricaturer. Malgré tous les discours que l’on peut entendre, la pensée complotiste n’est pas du tout devenue majoritaire en France, et le mensonge n’est pas plus cru par une majorité aujourd’hui qu’il y a vingt ans. L’année 2020 a montré que si les thèses complotistes ou celles qui s’inscrivent en négation de la vérité bénéficient d’une visibilité supplémentaire, elles n’ont que peu de poids en comparaison avec la réalité de leurs diffusions.
 

T : La rumeur a toujours existé. Pourtant, le phénomène des fake news exerce une fascination nouvelle lorsqu’il est évoqué en même temps que le numérique. Comment le concept de manipulation de la réalité et de fabrication d’une vérité alternative est-il arrivé à se renouveler grâce au Web ? Le citoyen numérique est-il un internaute réellement crédule ?

 
NV : Les fake news sont un symptôme du débat, marquant la rencontre entre les problèmes liés à l’espace public numérique et ceux liés à l’espace informationnel médiatique. Le terme, popularisé par Donald Trump, est impropre lorsqu’il s’agit de comprendre le problème de l’information et de la crédulité. Le fait qu’il ait été imposé par Donald Trump est un bon indice : ce dernier n’est assurément pas la meilleure autorité scientifique pour dégager des concepts valides.

On observe une crispation dans le rôle de médiation autour de la réalité. Cette crispation fait l’objet d’un combat entre les médias et les professions qui se sentent menacées (à l’instar des journalistes) et qui se sont rassemblés autour d’un imaginaire, d’une quête : la fabrication de la vérité, dans un contexte où tout le monde, aujourd’hui, est capable de réaliser le travail d’un média, à savoir (i) raconter la réalité, (ii) formuler une opinion, (iii) la diffuser et (iv) bénéficier d’une audience.

Le sujet-clé n’est pas celui de la vérité mais celui de la participation de tous, du changement d’architecture de l’espace public et de son appréhension. Aussi, le sujet de la fabrication de la vérité n’est pas, fondamentalement, central.

Aujourd’hui le principal actif sur lequel se concentrer, dans un monde de réseau, où chacun participe, est l’actif relationnel (se penser dans une relation avec la multitude). Les institutions démocratiques et les politiques devraient s’attacher à repenser leur action autour de cet actif, à développer, tout comme les médias. Or, ils ne le font pas : ils ne cherchent pas à développer leur surface de réseau, à capter la participation de la multitude. Le raidissement sur la vérité et la rationalité ou sur la verticalité de l’institution est une erreur stratégique qui explique la crispation autour du débat sur les fake news, la rumeur, et le complotisme. C’est une manière de créer des problèmes qui évite d’affronter une réalité plus complexe à saisir.

Le public se sent insulté lorsqu’il est traité de crédule assujetti aux manœuvres complotistes. L’année 2020 a mis en exergue la dynamique de fabrication des jugements propres sur des sujets comme l’épidémie, le vaccin, les confinements et les reconfinements. L’espace public numérique est un espace public qui mélange et aplatit autant l’information que la sociabilisation sans pouvoir être réduit à un problème de vérité ou de fiabilité de l’information.
 

T : L’analphabétisme numérique (aussi appelé a-littératie numérique) est un sujet plutôt discret lorsqu’il s’agit d’évoquer démocratie et numérique. Pourtant, il s’agit d’un frein à l’expression de la démocratie par les moyens numériques. Faut-il rendre le numérique plus inclusif ?

 
NV : Si un certain nombre de personnes sont exclues du numérique, on constate toutefois que leur part s’est structurellement réduite autour de profils qui en sont complètement exclus.

Aussi, le sujet se concentre davantage autour de l’inégalité de participation, et, en particulier, sur la question de savoir qui est acteur-actif (c’est-à-dire participant et mobilisant) ou qui est passif. Résoudre cette problématique est complexe compte tenu de l’évolution rapide du contexte, des technologies, des pratiques.

Aujourd’hui « un ventre mou » de la société française, actif au travail mais qui ne participe pas à l’espace public, aborde les réseaux sociaux et les plateformes de manière récréative et anecdotique. Récemment, des mobilisations en ligne ont permis d’élargir la participation : la parole lycéenne s’est ouverte, dans la suite des mouvements de Greta Thunberg, tout comme la parole des minorités, qui peinaient à exister politiquement, s’est aussi ouverte, dans la continuité des mouvements de Black Lives Matter. Cela caractérise la non-participation active à un espace public de personnes qui étaient en délégation de leur participation politique. Une partie de la population française, celle qui a toujours été dans cette logique de délégation et qui se satisfaisait de participations épisodiques, reste mécontente parce qu’il faudrait qu’elle participe alors qu’elle n’en a ni l’intérêt, ni l’envie.

Ce « ventre mou » de la classe moyenne et de gens actifs, qui s’informe sur les réseaux, se sent délaissé. Une étude menée par le think tank Destin Commun à propos de la topologie de la société française a révélé deux tendances :

– Une partie de la société française éprouve un sentiment d’abandon et de résignation. Si cette fraction aborde le numérique dans une logique récréative et dépolitisée, reste qu’elle le fait de manière résignée. Les médias numériques sont alors abordés sous l’angle du divertissement et du loisir : le numérique est une télé.

– Une autre partie, davantage minoritaire que la première, est insatisfaite de sa représentation politique. Cette fraction, active et portée par sa volonté politique, ne rencontre qu’une offre extrêmement opportuniste. Il y a une défiance vis-à-vis du journaliste, parce que la logique est celle de la rencontre avec ceux qui remettent en cause des institutions traditionnelles. Ce n’est pas une fatalité due au réseau ou à l’architecture, mais seulement le fait que la rencontre avec une offre structurellement intéressante drainant une réponse politique et médiatique de qualité n’a pas lieu.
 

T : Quelles sont les conditions pour faire du numérique un véritable facteur de revitalisation de la vie démocratique ?

 
NV : Le sujet n’est pas tant de démocratiser le numérique que d’adapter la démocratie au numérique. Le numérique incarne un contexte nouveau et global, qui se positionne face à la démocratie. Il laisse à cette dernière le soin d’y répondre en trouvant de nouvelles modalités d’institutionnalisation de l’expression publique, des logiques de représentation et de décision. Une réponse doit également être apportée aux nouveaux paradigmes du numérique : l’hyper abondance de l’information et la participation active de chacun à son processus informationnel.

L’État doit être un des architectes du débat public. Le député ne peut répondre seul aux difficultés. Un ministre ne le fera pas. S’il est actif sur les réseaux sociaux, il le fera de manière descendante, à l’instar du porte-parole du gouvernement Gabriel Attal tout récemment, pour assurer une forme de promotion. Il ne sera pas dans une logique de captation d’écoute et de transformation de la dynamique de réseau en mouvement institutionnel. La dynamique de représentation achoppe sur l’institution. Cela crée une crise, qui peut expliquer le succès des logiques populistes. Une des meilleures preuves de cette demande de participation et de cet intérêt dans les nouvelles logiques de participation active, c’est le succès, lors des dernières élections présidentielles, des campagnes d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon. Ces deux personnalités ont beaucoup investi dans la capacité d’écoute de leurs réseaux, au travers de consultations, de médiations à très large échelle, profondément renouvelées. Promesse malheureusement un peu abandonnée une fois que le candidat Macron s’est installé dans un pouvoir, où il est venu se couler dans le moule d’anciennes médiations.
 

T : Notre système institutionnel est-il inadapté à ces nouvelles formes vertueuses d’exercice du pouvoir ?

 
NV : La solution est difficile à trouver. Elle nécessite de l’innovation dans les formes de médiation, de représentation et dans les dynamiques entrepreneuriales qui se nichent entre les mouvements politiques nouveaux et les partis. Si une solution doit émerger, ce sera au sein de ces structurations, avec une ouverture de la participation. Ce qui a pêché en France, c’est la crispation institutionnelle des partis politiques traditionnels, qui sont structurellement menacés par leur incapacité à mobiliser les personnes et à leur proposer une vision. Une grande partie du problème se niche ici.

L’autre partie du problème se concentre dans les modes d’exercice du pouvoir de représentation et de fabrication de la loi et du dialogue des représentants (députés, sénateurs et pouvoir exécutif). Cela se joue dans cet espace à mi-chemin entre l’espace public et l’espace institutionnel. L’essentiel du sujet se situe dans cette zone qui capte l’énergie de la foule et cette volonté de participation. Une forme lui est donnée, et ensuite elle est adressée au pouvoir politique. L’innovation est en cours sur ce point. Des mouvements s’inventent des formes neuves et s’inventent sur la mort des partis politiques.

On doit retrouver, en politique, la capacité à innover et à capter la valeur créée par une révolution technologique. Ce qui vaut pour l’univers des start-ups et pour les acteurs de la tech vaut aussi dans l’univers politique. L’entrepreneur de politique est une figure très valable, pour comprendre le succès de l’émergence de nombreux leaders ces dix dernières années.
 

T : Que nous a révélé l’année 2020 sur le rapport entre numérique et démocratie ?

 
NV : Il y a un prisme déformant si l’on écoute les médias pour savoir ce qu’il faut retenir de l’année 2020, entre le docteur Raoult et le numérique qui aurait généré du complotisme. Un quart des Français, ceux qui éprouvent colère et fatigue, se sont réfugiés dans une logique de refus. Ce pourcentage l’aurait de toute manière fait, pour trouver des motifs à sa contestation, et ce, quel qu’ait été le contexte numérique et pandémique. Il y a une colère, dans la société française, mais elle reste, malgré tout, minoritaire. Il serait mortifère de considérer comme majoritaire l’analyse selon laquelle les réseaux sociaux, et par extension, l’expression populaire, serait forcément orientée vers la violence, le complot et la rumeur.

De manière plus positive, il convient de retenir la grande résilience des Français et leur capacité à se sentir unis, à s’informer activement et à inventer des formes d’expression et de vivre ensemble. La pandémie a permis d’innover, sous l’impulsion d’acteurs et d’experts, en marge des complotistes. Cela a favorisé la montée en compétence globale des citoyens sur ces sujets-là. Dans les années 1980, sur des thématiques identiques, le niveau moyen d’information était faible.

Le niveau actuel d’exigence, en termes d’information, est sans commune mesure avec ce que l’on a pu observer antérieurement. Désormais, chacun a une opinion, l’exprime, la confronte. Il l’a forgée après avoir consulté des sources variées et plus contradictoires qu’on ne veut bien le croire, lesquelles ne sont pas forcément extrêmes. On peut dresser le même constat en matière de dialogue et de participation active. C’est ce qui est intéressant et qui permet d’en tirer un enseignement positif de l’année 2020 pour le duo « démocratie et numérique », ou en tout cas, plus mesuré que ce que l’on entend plus souvent.

L’œil de la revue Third

 
Qu’il fut passionnant d’échanger avec Nicolas Vanbremeersch ! Cet entretien permettra au lecteur de saisir à quel point il est erroné de considérer que c’est le numérique qui abîme la démocratie et bien plus exact d’analyser les causes d’une mauvaise compréhension du fonctionnement du numérique par nos institutions traditionnelles.

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