Numéro Sept
Retrouvez le numéro sept de
Third : Soigner avec le numérique
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Third : Soigner avec le numérique
Jonathan Ardouin (JA) : Livi est la filiale française d’un groupe européen (connu sous le nom Kry), qui a été fondé en Suède. Aujourd’hui nous allons davantage évoquer Livi France, mais il ne faut pas perdre de vue que le groupe Kry/Livi (ci-après, « Livi ») est actuellement implanté dans cinq pays en Europe (Suède, Norvège, Allemagne, Angleterre et France).
Bien que Livi ait connu sa genèse en Suède, chaque pays d’implantation constitue un projet à part entière. Il est en effet impossible de copier le modèle mis en place d’un pays à l’autre, chaque système de santé ayant un fonctionnement différent. Nous avons donc choisi d’adopter un modèle opérationnel personnalisé au sein de chacun des pays où nous sommes présents.
Pour en venir à nos activités, on nous qualifie parfois de plateforme au sens large, mais nous préférons le terme d’offreur de soins. Dans tous les pays où nous opérons, nous employons des médecins salariés, nous avons un projet médical, des protocoles à suivre et nous vérifions naturellement que ces derniers sont suivis par les médecins.
Nous avons deux dimensions. La première est celle d’une start-up tech, c’est la plus connue car nous proposons une approche très digitale du soin. La seconde est celle d’un offreur de soins. La raison d’être de Livi est d’utiliser la force du digital pour permettre de rendre le soin plus efficace, personnel et pertinent dans tous les territoires où nous nous trouvons.
La première brique, construite en 2015 en Suède, l’a été avec la téléconsultation. Les fondateurs sont partis du constat que dans plusieurs endroits du pays de nombreux individus n’avaient pas accès aux soins. Cela a démarré avec des téléconsultations de médecine générale. L’objectif était de permettre à des patients d’avoir accès à des consultations médicales de qualité. Pour ce faire, nous formons les médecins aux particularités de la téléconsultation et les encadrons dans le cadre de cet exercice. En effet, il existe une réelle différence entre la téléconsultation et le soin en présentiel. Nous sommes aujourd’hui devenus des experts du soin en téléconsultation.
La seconde brique a consisté dans l’ouverture de centres de santé. Notre groupe opère une cinquantaine de centres de santé sur le sol suédois. Actuellement, en Suède, notre activité est équilibrée car nous faisons autant de soins en présentiel qu’en téléconsultation. Nous y représentons plus de 15% du soin primaire. Le digital est omniprésent au sein de nos centres de santé, car nous sommes convaincus qu’il permet d’aider les patients et de faciliter la vie des médecins.
Concrètement, le patient commence son parcours de santé en amont avec l’application ou l’interface web Livi. Il doit remplir un questionnaire et, en fonction de ses réponses, nous l’orientons vers un médecin généraliste, un spécialiste ou un infirmier. Nous lui indiquons aussi si la téléconsultation est possible ou si seule la consultation physique peut convenir. En cas de consultation physique, le patient se rend dans un centre Livi. A son arrivée, il est accueilli par un médecin qui connaît déjà les raisons de sa présence. Une fois la consultation terminée, l’ordonnance est directement transmise à la pharmacie (les médicaments attendront le patient sur place et pourront même être livrés à son domicile). Nous avons également passé des partenariats avec des laboratoires pour les prises de rendez-vous d’analyses et là encore, les résultats sont envoyés directement au médecin traitant qui vous rappelle via l’application. Ainsi, ce parcours permanent, en digital ou physique, permet d’ajouter de la pertinence et de l’efficacité, tant pour le patient que pour le médecin. Notre solution facilite et améliore le parcours de soin sans perdre en humanité.
JA : Comme je vous le disais, nous opérons différemment dans chaque pays.
En France, nous avons un parcours assez similaire à celui de la Suède. Nous avons commencé essentiellement par de la téléconsultation1 et avons ouvert dès l’origine un centre de santé à Créteil où nous faisons du soin en présentiel. L’idée était la même : rendre le soin plus accessible. En France, il y avait deux composantes essentielles : l’accessibilité en termes de géographie (les déserts médicaux) et l’accessibilité en termes de temporalité (pour les soins non programmés, aux heures où les cabinets médicaux sont fermés2, auquel cas les patients se rendent très souvent aux urgences).
S’agissant de la téléconsultation, celle-ci représente aujourd’hui 300 médecins salariés en France. L’activité s’étant développée et pérennisée, notre ambition, afin d’aider et accompagner davantage les patients et d’enrichir notre projet médical, consiste à ouvrir davantage de centres de santé. Nous avons pour projet d’ouvrir quatre centres de santé l’année prochaine sur le territoire français. Notre volonté est toujours de proposer le bon arbitrage au patient entre ce qui peut être fait chez lui et ce qui doit être fait en présentiel dans un centre.
Concernant ces nouvelles ouvertures, l’idée est d’ouvrir plusieurs typologies de centres « digiphysiques »3 dans plusieurs zones (grande ville, banlieue, zone plus rurale), et d’observer ce qui sera le plus approprié aux patients français. Nous sommes actuellement en discussion avec les agences régionales de santé et les communautés locales ; notre but est de nous insérer en cohérence avec les nécessités des communes du projet de soin local et en cohérence avec le parcours de soins. Nous allons expérimenter et au besoin réajuster notre mode de fonctionnement.
Nous avons fait plusieurs observations depuis notre implication en France, et notamment les suivants :
– 2 patients sur 3 ayant recours à Livi résident dans des déserts médicaux au sens du zonage des agences régionales de santé ;
– 1 patient sur 4 déclare qu’il serait allé aux urgences s’il n’avait pas eu recours à Livi.
Ces chiffres illustrent bien l’utilité publique et même l’économie pour l’Assurance Maladie générée par notre dispositif (sachant que nos centres de santé conventionnés secteur 1). Nous avons aussi environ 15% de nos patients qui n’ont pas de médecin traitant ainsi qu’une sureprésentativité de patients anciennement en couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et bénéficiant de l’aide médicale d’État (AME). Nous sommes fiers de ces chiffres qui démontrent que notre technologie et notre modèle « digiphysique » permettent de rendre un service utile.
Nous avons aussi noté une sureprésentativité de certaines pathologies, typiquement, 10% de notre activité tourne autour de la santé sexuelle. Les patients sont certainement plus volontaires pour franchir les portes virtuelles de la téléconsultation pour des suspicions de maladies sexuelles, plutôt qu’un cabinet physique où ils peuvent ressentir plus de honte à partager des aspects intimes les concernant ou de croiser une personne connue. Il y a de nombreuses dimensions de l’accès aux soins qui ont été facilitées par le numérique et que nous ne soupçonnions pas au départ.
Enfin, nous avons commencé à élargir notre projet de santé. Depuis un an, nous faisons de la psychiatrie et de la santé mentale et nous avons lancé cette année de nouvelles spécialités : dermatologie, pédiatrie, endocrinologie, gynécologie. Cela a été le fruit d’un long travail, car notre objectif consiste en premier lieu à construire le projet médical et examiner la pertinence en téléconsultation, plutôt que de lancer de nombreuses spécialités sans réfléchir à leur pertinence.
JA : Démocratiser c’est certain. Les médecins comme les patients ont eu l’occasion d’expérimenter la téléconsultation pendant la pandémie. Cela a été un accélérateur de ce point de vue-là.
La téléconsultation a permis aux Français de continuer à se soigner pendant la crise sanitaire dans un contexte anxiogène où il y a avait une peur de se déplacer et de se rendre dans un cabinet médical.
En termes de croissance, nous ressortons après les différents confinements avec une volumétrie et une taille plus élevée, que l’on aurait probablement atteinte si on avait continué notre croissance organique pré-Covid (l’adoption de la téléconsultation se faisait assez facilement avant la Covid-19), mais pas à la même vitesse. Si on regarde de plus près les chiffres, nous avons dû multiplier nos téléconsultations par huit lors du premier confinement en deux ou trois semaines. Mais après quatre semaines, en raison des restrictions apportées à la vie sociale, nous avons constaté une baisse du nombre de malades et les volumes sont redescendus. Ces périodes de confinement / déconfinement ont eu une sorte d’impact yoyo sur les activités de téléconsultation comme sur beaucoup d’activités en France.
Ce qui est sûr, c’est qu’on sort d’une période où les médecins ont pu expérimenter la téléconsultation. Certains n’ont pas du tout apprécié, d’autres ont apprécié et l’ont intégré à leur pratique. Les patients ont compris à quoi servait la téléconsultation et comment l’utiliser. Ils savent très bien arbitrer entre téléconsultation et soin présentiel. Nous avons beaucoup moins de patients aujourd’hui qui viennent nous voir pour des choses pour lesquelles nous ne pouvons pas aider. Par exemple, au début, des patients pouvaient venir nous téléconsulter pour une entorse ou un os cassé. L’éducation s’est faite au fur et à mesure.
JA : Cette période a eu un vrai impact sur la reconnaissance du canal de soin qu’est la téléconsultation. Le législatif, l’exécutif, l’administratif, les syndicats et les ordres de médecins ont largement reconnu le service rendu par la téléconsultation pendant les deux années écoulées. La place de la téléconsultation est donc évidente pour tout le monde là où, avant 2020, il y avait encore des critiques et doutes importants quant à cette pratique. Désormais, il est globalement reconnu que la téléconsultation a une place légitime dans le parcours de soins, que ce soit pour les soins programmés ou non programmés, dans le suivi de pathologies chroniques ou dans le lien entre médecine de ville et hôpital.
La téléconsultation peut aussi contribuer au bien-être au travail des médecins. En effet, il y a globalement un épuisement très fort, physique comme mental, au sein de la population médicale, qui éprouve le besoin de se reposer et de moins travailler. La téléconsultation permet de répondre en partie à ce besoin, en offrant aux médecins l’opportunité d’avoir accès au télétravail. En outre, elle permet également d’augmenter l’offre de médecine disponible. On observe par exemple que des médecins épuisés, qui travaillaient à temps partiel, se sont ajoutés une journée de travail en téléconsultation. Cela a donc permis de réinjecter dans le système du temps médical qui avait été perdu.
La téléconsultation reste un outil et non une formule magique ou miracle, mais il faut constater qu’elle peut contribuer, géographiquement, temporellement, en ajout de temps médical car elle ajoute de la flexibilité pour les médecins. Nous avons aussi constaté des cas de cumul emploi retraite ou encore des praticiennes enceintes qui ont pu continuer à exercer en téléconsultation.
JA : C’est une approche que nous avons mis en place dès le début dans tous les pays où nous opérons. Nous sommes sincèrement convaincus qu’encadrer la qualité médicale est ce qui va contribuer à donner ses lettres de noblesse à la téléconsultation et à l’ancrer dans le paysage en la rendant pertinente et crédible. Nous avons mis en place beaucoup de choses.
Tout d’abord, concernant notre organisation, nous avons une direction médicale, avec un directeur médical et ses deux adjoints. Le directeur médical a un profil hospitalier, un de ses deux adjoints est un ancien chef de service adjoint des urgences. Ce sont deux praticiens hospitaliers qui ont l’habitude d’un fonctionnement où les médecins sont encadrés et travaillent en équipe. Le troisième est un médecin généraliste qui travaille en centre de santé et qui a l’habitude du travail collectif en médecine généraliste. Cette direction médicale est appuyée par une équipe de huit médecins (le support médical), qui travaillent depuis longtemps chez Livi et sont détachés en grande partie du soin. Parfois, ils vont réaliser des téléconsultations, mais quand ils travaillent pour le support médical ils sont à disposition de nos médecins qui sont en première ligne, pour les aider en téléconsultation, donner un deuxième avis, répondre aux questions, gérer les urgences, etc.
Ensuite, en termes de contenu médical, notre direction médicale a défini le projet et les protocoles médicaux. Concrètement, cela désigne les pathologies que nous traitons4 et celles que nous ne traitons pas (soit les motifs de consultation pour lesquels le patient sera redirigé). Typiquement, en cas de suspicion d’otite, dans la mesure où vous n’avez pas d’autoscope chez vous et qu’il existe un risque de mauvais diagnostic très douloureux, on va immédiatement renvoyer en soins présentiels. Nous avons mis en place des protocoles et une littérature, distribués à nos médecins pour les guider dans la pratique de la téléconsultation. Nous organisons aussi des formations techniques pour les médecins ou encore des séminaires et formation en continue sur des sujets spécifiques5 qui viennent ensuite enrichir nos protocoles et notre projet médical.
Enfin, un autre rôle important de cette équipe médicale, hormis la formation et l’encadrement, est la revue de qualité. Comme dans toute structure collective, les dossiers médicaux rédigés par les médecins sont revus tous les trimestres par la direction médicale et l’équipe support, qui effectuent des carottages. L’objectif d’une revue de dossier est de s’assurer que les médecins respectent bien les protocoles. Si certains médecins ne respectent pas les protocoles, cela amène à une discussion confraternelle pour les faire progresser sur les spécificités de la téléconsultation. Cette organisation est très inspirée de ce qui se fait en Suède, où les médecins libéraux sont rares et l’exercice collectif en centre de santé beaucoup plus. Bien que cette pratique soit moins répandue en France, nous avons de très bons retours de la part de nos médecins salariés qui apprécient ce travail en groupe et ont l’impression de progresser à nouveau dans leur domaine.
En outre, il faut reconnaître qu’il n’est pas évident de communiquer sur les avantages pour les médecins de travailler chez Livi. Pourtant on observe que les motivations poussant les médecins à nous rejoindre sont souvent la curiosité, l’envie d’expérimenter la téléconsultation et d’avoir une activité complémentaire. Et, au bout de quelques semaines d’expérimentation, ils décident souvent de rester pour l’équipe, la façon de travailler et ce qu’ils vont pouvoir apprendre. Au début, c’est très difficile à expliquer, car ce n’est pas forcément dans les mœurs des médecins de travailler de la sorte. Charge à nous de mieux communiquer sur le sujet !
JA : Un diagnostic se pose en fonction d’hypothèses faites, vérifiées ou non et d’observations qui ont pu être faites sur le patient, ses symptômes, ses réactions et les réponses qu’il a pu donner à des questions posées par le médecin. La façon dont la direction médicale a approché toutes les pathologies qu’on s’autorise à traiter en téléconsultation consiste en réalité à se demander comment on aurait procédé en présentiel. Et de se questionner ensuite sur le fait de savoir si la téléconsultation permet d’arriver au même niveau de certitude. Par exemple, la prise de constante est une pratique assez systématique en France (stéthoscope, prise de tension, etc). Pourtant, on observe que si cette pratique est parfois nécessaire pour répondre à des hypothèses sur la pathologie, à d’autres moments, il s’agit simplement d’une façon pour le médecin de se connecter au patient et d’entamer la construction de la relation patient-médecin. Comme la prise de constante n’est pas possible en téléconsultation, nous ne traiterons pas des sujets pour lesquels la prise de constantes est indispensable. En revanche, lorsque cette dernière n’est pas indispensable pour le diagnostic, elle peut être remplacée par exemple par des questions qui permettent de créer ce lien entre le patient et le médecin et de traiter la pathologie en téléconsultation.
Selon nos observations, deux tiers des consultations de médecine générale peuvent être réalisées en téléconsultation avec une anamnèse bien menée. Nous constatons aussi que les questions posées au patient en amont de la téléconsultation, via l’application Livi, permettent, à partir de certaines réponses, de rediriger le patient vers une consultation physique avant même qu’il parle à un médecin. Par exemple, en cas de douleur oculaire liée à un corps étranger dans l’œil, la téléconsultation n’aura aucun intérêt et nous allons immédiatement orienter le patient vers une consultation en présentiel. Le but du questionnaire mis en place en amont est d’identifier les cas d’urgence pour ne pas faire perdre de temps au patient et au médecin avec une téléconsultation inutile. Ce premier filtre n’interdit jamais au patient la téléconsultation, mais lui déconseille fortement d’y recourir si elle ne peut pas lui apporter une aide suffisante. En termes de chiffres, ce premier filtre représente 10% des téléconsultations que nous allons rediriger vers du soin présentiel. Ce filtre fonctionne bien et démontre qu’il y a un large potentiel de consultations que l’on peut faire en téléconsultation.
Nous avons également mis en place un indicateur de suivi, qui s’appelle le « service médical rendu », pour jauger de l’efficacité de la téléconsultation. Celui-ci consiste à demander au médecin, à l’issue de la téléconsultation, s’il estime avoir rendu un service médical. Évidemment, quand la réponse est non, nous ne facturons pas l’Assurance Maladie et nous remboursons le patient. C’est un de nos engagements, car il existe des limites à la téléconsultation et nous ne voulons pas entraîner des dérives ou des recours inutiles à la téléconsultation. Nous observons que les médecins ont l’impression d’avoir rendu un service médical dans 97% des cas. Du point de vue des patients, la perception est encore plus positive que celle du médecin.
JA : Du point de vue du patient, les principales difficultés ont concerné l’acclimatation à la téléconsultation. La Covid-19 l’a facilitée. Au démarrage, nous avons constaté une certaine méfiance à l’égard de la nouveauté que représentait la téléconsultation. Nous avons dû travailler sur ces aspects.
Du point de vue des médecins, c’est un peu la même chose, la téléconsultation était un canal nouveau qui entraînait des craintes. Encore aujourd’hui, lorsque nous recrutons un médecin, cela passe souvent par la cooptation d’un confrère qui lui en parlé. La rencontre avec notre direction médicale permet également de lever rapidement leurs doutes et de comprendre les apports de la télémédecine.
De la même façon, il existe des réticences au niveau des ordres et des syndicats de médecins qui peuvent, pour certains, avoir une vision plus traditionnelle et conservatrice de la télémédecine. Ce sont souvent des postures individuelles davantage que celle des ordres. On remarque aussi, que dans la prise de position vis-à-vis de la télémédecine, l’aspect générationnel est assez important. Cela relève de la pédagogie et de l’éducation.
Du côté de l’exécutif et du législateur, il y a un vrai enthousiasme à la téléconsultation. C’est sous l’impulsion présidentielle et des parlementaires qu’elle a intégré le droit commun du fait de la loi de financement de la sécurité sociale pour 20186. On y décèle une réelle volonté de démocratiser la télémédecine. L’usage de cette pratique pendant la pandémie de Covid-19 leur a donné raison. Néanmoins, on a constaté au début un manque de clarté sur le remboursement de la téléconsultation. En 2018, le remboursement était relativement large, puis a connu des restrictions en 20197. Puis, face à la Covid-19, des dérogations ont été mises en œuvre pour faciliter le recours à la télémédecine et ont démontré l’utilité de cette pratique et la nécessité d’élargir à nouveau le remboursement.
La téléconsultation avait été réfléchie à l’origine pour un usage avec son médecin traitant, mais en réalité, elle a une utilité forte en matière de soins non programmés (déserts médicaux, désengorgement des urgences, etc). Au début, nous avons donc rencontré la difficulté de faire reconnaître qu’il existe deux types de téléconsultations distinctes : une avec son médecin traitant et la téléconsultation de soins non programmés.
Cette prise de conscience n’a pas été immédiate, ce qui explique les difficultés sur le fait de savoir si Livi et les autres acteurs avaient réellement leur place au sein du système de santé. La Covid-19 a aussi permis d’avancer sur ces sujets et de comprendre que tous les usages étaient légitimes. Chez Livi, nous militons pour une régulation par la qualité. Il existe des vrais risques de débordements sur la téléconsultation, et les craintes d’ubérisation ou de plateformisation de la santé sont réelles. Notre parti pris est de dire que si la téléconsultation est bien encadrée d’un point de vue médical, qualitatif, cela va aider le système. La régulation et le conditionnement du remboursement par la qualité, nous semblent être l’approche la plus pertinente. Nous souhaitons avoir un apport vertueux.
JA : Oui bien sûr, nous travaillons en continu avec Ma Santé 2022.
Aujourd’hui, nous avons des standards plus hauts en matière de qualité et d’éthique que les normes prévues. Nous allons demander à être enregistrés et listés sur la plateforme. En réalité, les vraies contraintes pour tous les acteurs du numérique ce sont des contraintes d’interfaçage, d’interopérabilité, qui demandent des développements pour pouvoir être compatibles avec les outils nationaux. Il y aura sûrement une période de rodage, mais concernant la feuille de route Ma Santé 2022, j’étais personnellement très inquiet il y un an, mais je la trouve plus claire et plus cadencée aujourd’hui. L’initiative est bonne, cela va permettre à tous acteurs de fonctionner dans le même sens et de parler le même langage.
Nous espérons que ces contraintes techniques seront un jour complétées par des impératifs en termes de qualité médicale et de protocoles médicaux. Cela permettra d’égaliser le niveau entre les acteurs de la télémédecine. Forts de nos convictions et de notre vision, nous avons réalisé des investissements significatifs dans la qualité médicale depuis notre création. Nous sommes certains qu’il s’agit de la bonne voie à suivre, mais ce n’est pas le cas de tous les acteurs du secteur. Cette absence d’équilibre peut décrédibiliser l’ensemble des acteurs de la téléconsultation, ce qui n’est pas souhaitable.
Nous sommes ravis d’avoir pu échanger avec Jonathan Ardouin. Au travers cette interview, nos lecteurs pourront découvrir Livi qui, loin des critiques sur la gadgétisation de la médecine, poursuit une vision de la télémédecine qui doit reposer sur un projet médical ambitieux et se mettre au service de ce projet.
1 | En France, l’ouverture du remboursement des téléconsultations a débuté en 2018 et on compte plus de plus de 145 000 téléconsultations sur Livi depuis le 15 septembre 2018.(Retour au texte 1)
2 | 30% des patients consultent Livi en dehors des horaires d’ouverture classique des cabinets / centres de santé (soit le week-end, en semaine le matin avant 8 heures ou le soir après 20 heures).(Retour au texte 2)
3 | Centre en présentiel fonctionnant avec de nombreux outils digitaux et notamment un appui de l’application. (Retour au texte 3)
4 | A titre informatif, les cinq premiers motifs de consultation chez Livi sont : (1) la Covid-19, (2) les éruptions cutanées et démangeaisons, (3) la diarrhée ou les vomissements, (4) les maux de gorge et (5) les infections urinaires.(Retour au texte 4)
5 | Quelques exemples récents : la santé sexuelle, comment prendre en charge en téléconsultation des patients en situation de handicap, sujets spécifiques de gynécologie, etc.(Retour au texte 5)
6 | Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.(Retour au texte 6)
7 | L’Assurance Maladie avait notamment restreint le remboursement aux téléconsultations réalisées avec un médecin de son territoire proche, ce qui posait problème en cas de déserts médicaux. (Retour au texte 7)