third
Novembre 2019

Numéro trois

Retrouvez le numéro trois de Third : Vivre avec les objets connectés

Third | Novembre 2019

La révolution des objets connectés est d’abord une révolution industrielle : pour une industrie électronique du futur made in France

Sébastien Rospide, directeur général de We Network (ex Cité de l’Objet Connecté d’Angers).

 

La data est au centre de la transformation digitale : c’est aujourd’hui une évidence pour les dirigeants d’entreprises. Mais il n’y a pas de data sans hardware pour la capter, la transmettre et l’intégrer afin de délivrer le service. Or, c’est l’industrie électronique qui fournit le socle industriel de cette révolution digitale.

Contrairement aux idées reçues, l’électronique française n’est pas morte et son revival est même engagé grâce à l’impulsion conjointe d’une double révolution. Celle de l’IoT tout d’abord qui bouleverse et accélère la demande en électronique. Celle de l’industrie 4.0 ensuite qui ouvre de nouveaux axes de compétitivité pour une industrie électronique du futur made in France.

La filière électronique n’a jamais été aussi stratégique pour la compétitivité de l’ensemble de l’industrie et la France dispose d’atouts considérables pour accélérer la transformation digitale de ses entreprises.

 
On parle souvent de la révolution des objets connectés en insistant sur la dimension software (le cloud et les technologies logicielles) et les usages applicatifs (en particulier, le B2C). On oublie souvent, à tort, de se focaliser sur l’objet en lui-même, le hardware, qui est au cœur de cette innovation. En effet, les objets connectés sont des concentrés de technologies et de savoir-faire, principalement les capteurs et les composants électroniques qui en constituent le cœur et les savoir-faire d’assemblage qui permettent d’aboutir aux produits finaux. On ne pourra pas réussir la révolution industrielle rendue possible par les objets connectés sans une filière électronique proche et performante. La France dispose de l’ensemble des atouts industriels et des talents pour jouer un rôle clé dans cette mutation fondamentale de la révolution numérique.
 

L’électronique contribue à générer près de 12% du PIB mondial

 
L’industrie électronique est pervasive, c’est-à-dire qu’elle se diffuse progressivement dans l’ensemble des secteurs de l’économie pour y apporter le socle physique sur lequel s’appuie la transformation digitale. Il en résulte un effet de levier considérable sur l’économie mondiale qui ne fait que s’accentuer avec le développement de l’IoT (Internet des objets) et de l’Industrial IoT qui touche tous les secteurs de l’économie. Ce levier peut être représenté par la pyramide inversée suivante :

Cette pyramide repose sur une pointe d’environ 500 MdEuros représentant la filière des composants électroniques et notamment celle des semiconducteurs. Ici l’unité de mesure physique est celle du nanomètre (10-9 mètre) et les investissements se comptent en milliards d’euros pour construire les usines à l’état de l’art technologique qui vont graver des microprocesseurs, mémoires et autres composants intégrés à des milliards d’exemplaires.

En montant dans la chaîne de valeur électronique on trouve les activités d’assemblage qui consistent à assembler les composants sur des cartes et dans des sous-ensembles. Ici on travaille à l’échelle du dixième de millimètre et les opérations de câblage manuel de composants sont encore monnaie courante dans les usines. Les coûts d’investissement se chiffrent en millions voire dizaine de millions d’euros pour les nouvelles unités de production.

Puis on entre dans le domaine des équipementiers électroniques avec une surprise de taille. Sur une production électronique mondiale d’équipements de 2000 MdEuros, les équipements électroniques destinés aux marchés professionnels (industriel, automobile, aéronautique, etc.) représentent autant que les équipements des marchés de masse plus connus du grand public (télécom, informatique, audio-vidéo). Or, si l’Europe ne dispose plus de capacité de production électronique de grands volumes, elle reste une zone de production importante pour les marchés professionnels avec 23% de la production mondiale réalisée en Europe ce qui la place dans une position stratégique pour capter les bénéfices de la révolution IoT.
 

La révolution IoT est avant tout une révolution du B2B

 
Après le boom des start-ups de l’IoT B2C et les records de représentation des startups française au Consumers Electronic Show (CES) de Las Vegas, force est de constater que les success stories des startups de l’IoT B2C ne sont pas au rendez-vous.

Et c’est bien naturel car la révolution IoT se déroule avant tout dans le B2B, là où le potentiel de création de valeur est le plus important et où les fonds sont disponibles pour financer le déploiement d’une infrastructure IoT complète, du capteur au cloud. Car le lancement d’un projet IoT est un parcours coûteux et semé d’embûches. Il faudra compter en moyenne 300keuros et 2 à 3 ans entre l’idée et la première version du prototype industrialisable. Pour déployer une nouvelle solution IoT à l’international, les seuils d’investissement sont compris entre 1 et 10 millions d’euros. On comprend ici l’importance pour un projet IoT de trouver rapidement son cas d’usage, son fit/marché et les partenaires industriels qui pourront accompagner le projet dans ce parcours.

Ainsi les nouveaux clients de l’industrie électronique sont aussi et surtout les entreprises traditionnelles qui s’appuient sur l’IoT pour transformer leur business model et passer à la vente de services au travers de produits et de process plus intelligents et connectés. Le groupe ERAM est à ce titre un cas emblématique de transformation digitale dans un secteur dit traditionnel. Cette entreprise de taille intermédiaire (ETI) familiale qui continue de produire des chaussures en France a développé une technologie et une gamme de chaussures connectées commercialisées sous la marque « Parade Connect ». L’objectif pour le groupe ERAM est d’apporter, au-delà de la simple vente de chaussures, des services de sécurité et d’alerte pour travailleurs ou personnes âgées en situation d’isolement. Après 3 ans de travail, le produit dont la conception, l’industrialisation et la production ont entièrement été réalisés en France a été primé au dernier CES de Las Vegas avec une commercialisation lancée en 2019 !

Cet exemple n’en est qu’un parmi de nombreux autres1 qui illustrent l’effet de levier de l’électronique pour accompagner la transformation de toute l’industrie française.
 

La proximité avec la filière électronique, facteur clé de succès d’un projet IoT

 
Mais ce qui est plus frappant dans la réussite de ces projets, c’est l’importance d’une forte proximité entre ces entreprises et les partenaires de l’industrie électronique à même d’accompagner les projets, depuis les phases de conception jusqu’à la production.

Créer, développer et industrialiser un objet connecté n’est pas un long fleuve tranquille et les risques sont nombreux conduisant encore trop souvent des projets à l’échec. Il faudra bien spécifier le besoin, faire des choix technologiques adaptés et pérennes, anticiper l’industrialisation au plus tôt et gérer les différentes versions du dispositif qui seront développées pour adapter l’offre aux retours utilisateurs, tout en gérant une supply chain industrielle avec de multiples intervenants. Bref un véritable casse-tête pour qui ne connait pas cette filière.

C’est pour ces différentes raisons qu’une forte proximité avec des partenaires industriels de confiance est essentielle à la réussite du projet. Et il se trouve que l’industrie électronique française dispose de nombreux atouts pour servir au mieux les besoins de transformation de son industrie à travers le développement de l’IoT et de l’Industrial IoT.
En effet, la France est déjà en pôle position du développement des réseaux de communication bas débit qui sous-tendent le développement de l’internet des objets comme les réseaux Sigfox ou LoRa. Tous deux d’origine française, ils apportent de la connectivité à moindre coût pour des objets peu gourmands en débit.

Côté composants, l’industrie européenne du semi-conducteur a certes perdu la bataille des usines de dernières générations, mais elle a su se positionner sur des niches technologiques particulièrement adaptées aux besoins des marchés de l’IoT et de l’Industrial IoT notamment dans les domaines des capteurs, des solutions de gestion de l’énergie ou encore de la sécurité – matérielle et logicielle – des objets connectés.

Enfin, et on ne le dira jamais assez, la France dispose d’une filière de production électronique leader en Europe, devant l’Allemagne, avec 4 ETIs françaises situées dans le Top 10 Européen et le Top 50 mondial. Or ce sont bien ces entreprises spécialisées dans les services de production électronique qui accompagnent au plus près la diffusion de l’électronique dans les nouveaux marchés du B2B, depuis les phases initiales de conception jusqu’à la production. La présence d’un tel tissu industriel est une chance unique pour la France avec une diversité d’acteurs et de moyens industriels répondant à une multitude de cas d’usage et de marchés potentiels.
Pour les acteurs de la filière électronique française, la révolution IoT se traduit par une évolution rapide et profonde de la typologie des clients qui découvrent de plus en plus la filière et sont en demande de solutions complètes de la part de leurs partenaires concepteurs et sous-traitants de production. Sans compter la versatilité de plus en plus grande de la demande vers le High Mix, Multiple Volumes qui impose d’adapter l’offre et la supply chain électronique pour gagner en flexibilité et en compétitivité – en déployant notamment les leviers de l’industrie 4.0.
Une véritable stratégie de filière se met en place
C’est donc un véritable changement de paradigme pour la filière électronique, et tout particulièrement pour les sous-traitants de conception et de production électronique qui se retrouvent au cœur de l’accélération de la transformation digitale pour l’ensemble de l’industrie française et européenne.

Comme indiqué plus haut, la France dispose de nombreux atouts pour répondre aux défis qui se présentent à elle. Cependant la réponse à ces défis doit passer par une véritable démarche de filière mobilisant et coordonnant les ressources pour travailler dans le bon tempo et à la bonne échelle.

L’électronique a ainsi été récemment reconnue en France comme une filière stratégique2 dans le cadre du Conseil National de l’Industrie en mai 2019. Mobilisant l’ensemble de la chaîne de valeur électronique, une feuille de route ambitieuse a été adoptée pour encourager le développement d’une électronique du made in France au bénéfice de l’ensemble des autres filières.

Au cœur de cette stratégie de filière, l’association We Network développe un centre technique pour mieux connecter les nouveaux usages de l’IoT à l’offre de conception et de fabrication française. Ce centre technique agit simultanément sur l’offre de la filière en accélérant les coopérations entre les sous-traitants de production. Concurrents entre eux, 12 des principaux fabricants français ont décidé de joindre leurs forces à travers We Network pour accélérer leur transformation vers l’industrie électronique du futur et répondre aux besoins de la révolution IoT en cours. C’est donc bien un changement de paradigme pour la filière où de nouveaux modèles de coopération entre concurrents s’inventent pour répondre et anticiper les besoins du marché.

Bienvenue dans la révolution IoT et l’industrie électronique du futur… made in France !

L’œil de la revue Third

 
Cet article de Sébastien Rospide met remarquablement en valeur le potentiel de la France dans la révolution numérique et nous présente en détails la filière électronique française, laquelle est un leader mondial. Sans sa dimension industrielle, qui va de la conception à la fabrication puis à l’industrialisation des objets, la révolution de l’IoT ne pourra pas se faire.

www.third.digital



1 | https://www.captronic.fr/-Ils-ont-pris-le-virage-des-objets-connectes-.html (Retour au texte 1)
2 | www.filiere-electronique.fr (Retour au texte 2)

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