Numéro Un
Retrouvez le numéro un de
Third : qui gouverne les
algorithmes ?
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Third : qui gouverne les
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L’intelligence artificielle, qui repose sur du code informatique, apporte toute sa valeur en transformant un problème en une opportunité sans précédent. En traitant d’importants volumes de données bien plus rapidement que ne le peut le cerveau humain – l’intelligence artificielle facilite le quotidien car c’est un outil précieux d’aide à la recherche d’informations, à la définition de stratégies grâce à l’exploitation massive de données ou encore à la prise de décisions.
La justice est en train de connaître le même bouleversement que l’information a vécu à l’échelle mondiale il y a 20 ans, lorsque deux chercheurs de Stanford découvraient que l’information disponible sur internet pouvait être rendue plus accessible. La recherche des informations disponibles sur le web était alors dominée par les moteurs AltaVista et Yahoo!, dont le fonctionnement reposait principalement sur l’analyse de mots-clés : la page contenant le plus d’occurrences de la requête était la première dans la page de résultats.
La grande réussite de Larry Page et Sergey Brin, les deux cofondateurs de Google, fut de mettre de l’ordre dans la masse de données disponibles sur Internet et de permettre aux résultats les plus pertinents d’être identifiés.
L’algorithme de Google consiste à déterminer la réputation d’un site en prenant en compte une multitude de critères, parmi lesquels figurent principalement les liens vers ce site provenant de sites tiers, associés à la réputation de ces sites tiers eux-mêmes. Google définit ainsi un maillage réputationnel qui permet d’afficher non pas le résultat comprenant le plus d’occurrences du mot-clé recherché, mais celui qui est le plus reconnu par le public comme étant pertinent pour ce mot-clé.
L’arrivée de Google a bouleversé la façon dont internet fonctionnait, puisque la quantité d’informations disponibles sur le web, gigantesque et en perpétuelle croissance, était désormais triée et organisée pour que le public puisse y accéder simplement.
De la même manière que les algorithmes de Google comprennent les liens sous-jacents entre différentes informations, l’objectif des algorithmes de Doctrine est de comprendre les textes de lois et les décisions de justice pour pouvoir les indexer de manière pertinente.
Le droit est une matière particulièrement propice à la mise en œuvre d’un tel système de recherche car, comme sur Internet, les textes de lois et les décisions de justice reposent sur un maillage étroit de liens et de références. Cependant, au contraire d’internet, ces entrelacements ne sont pas des liens cliquables visibles aisément dans le code d’un site web : il s’agit de citations, de références, de renvois incorporés dans le corps des textes de loi ou dans les décisions de justice. Même lorsque ces liens sont explicites, comme un renvoi à un autre article du même code ou le visa d’une décision de justice, ils n’en restent pas moins rédigés en langage dit « naturel », et non pas dans le langage informatique (le code), de sorte qu’il faut le faire déchiffrer à la machine. Ce qui rend la tâche plus complexe est que, très souvent, les références les plus essentielles sont implicites ou du moins peu évidentes pour un œil non initié.
Par ailleurs, il ne suffit pas seulement d’identifier la référence à un autre texte ou une autre décision : il faut également comprendre cette référence et le contexte dans lequel elle s’inscrit. De nombreuses décisions vont ainsi citer un texte pour en exclure l’application ou faire référence à une jurisprudence pour mettre en exergue des différences. Dans de tels cas, il serait malvenu de lier les textes en question par un lien de connexité, or c’est précisément ce qui arriverait lors d’une analyse par un moteur de recherche classique par mot-clé. Le développement d’un moteur véritablement pertinent pour la recherche juridique dépend donc non seulement de l’identification des liens entre les textes et décisions de justice, mais également de la compréhension du contexte par la machine.
Champ de recherche infini, l’intelligence artificielle va plus loin que le simple algorithme qui suit une série d’instructions « simples » pour arriver à un résultat moyen comme c’est le cas pour une recherche par mot clé par exemple. Les algorithmes « intelligents » consistent à traiter des problèmes mathématiques non pas par une série de conditions comme traditionnellement en informatique mais avec des méthodes tentant d’imiter un raisonnement humain, comme le traitement du langage naturel (Natural Language Processing dit « NLP »). En particulier, les méthodes dites d’apprentissage machine (machine learning) et d’apprentissage profond (deep learning) ont permis des avancées sans précédent, en permettant à des algorithmes « apprenants » de s’améliorer au fur et à mesure des itérations. Ils sont capables de s’imprégner d’exemples et de construire des règles de corrélation implicites, déduites lors d’un apprentissage supervisé par l’humain (machine learning) ou non (deep learning).
Il est important de différencier deux types d’intelligence artificielle qui reposent sur des mécanismes algorithmiques très différents.
Tout d’abord, l’intelligence artificielle dite « faible » qui imite un comportement intelligent dans un domaine précis et peut résoudre des problèmes, voire apprendre, mais ne fait que « délivrer » sur la base d’instructions précises données par l’humain en amont. Ce premier type d’intelligence artificielle n’est pas conçue pour évoluer seule.
En revanche, l’intelligence artificielle dite « forte » implique que la machine fasse preuve de créativité et d’adaptation, qu’elle ait une conscience de ses propres raisonnements. Si vous avez vu le film Matrix, vous avez une idée plus précise de ce qu’est la version diabolique de ce type d’intelligence artificielle !
Les progrès algorithmiques réalisés ces dernières années dans l’intelligence artificielle permettent désormais d’appréhender le langage juridique et le maillage de liens et de références issu de la lecture attentive des textes et des décisions de justice. L’objectif est d’imiter autant que possible le raisonnement d’un juriste face à des textes afin que la machine produise un résultat similaire en toute autonomie.
De tels outils ne peuvent cependant exister sans accès à d’importants volumes de données juridiques, et ce pour principalement deux raisons.
Tout d’abord, il est nécessaire que ces outils disposent des données les plus exhaustives possibles, afin de ne pas induire les utilisateurs en erreur : il est donc essentiel que toutes les données soient disponibles et accessibles afin que le service ne desserve pas ses utilisateurs en leur fournissant une information incomplète.
Par ailleurs, l’amélioration des modèles d’intelligence artificielle nécessite d’avoir à disposition une base de données aussi large que possible, afin de confronter le modèle d’intelligence artificielle à un très grand nombre de cas et pouvoir ainsi le peaufiner en fonction de la diversité des situations.
Dans le domaine juridique, l’intelligence artificielle deviendra donc de plus en plus performante grâce à l’open law mouvement qui consiste à permettre la diffusion et la réutilisation gratuites des décisions de justice (principalement celles rendues par les tribunaux d’instance et de grande instance, des conseils de prud’hommes et des tribunaux de commerce) qui a été consacré par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique (dite « loi Lemaire »). Grâce à cette ouverture du droit, le volume de données à traiter va passer de plusieurs centaines de milliers de nouvelles décisions de justice par an à plusieurs millions !
Et lorsque l’on sait qu’un moteur de recherche traite des millions de décisions par seconde pour remonter les plus pertinentes à l’avocat, on peut sereinement penser que le futur promet de beaux jours à la recherche juridique. À titre d’exemple, l’algorithme de Doctrine permet actuellement de traiter environ 3 millions de décisions par seconde.
Cependant, les applications de l’intelligence artificielle ne se limitent pas à la simple recherche d’informations. Elle peut également servir à personnaliser les outils juridiques à la pratique de chaque personne, comme par exemple par le biais d’alertes personnalisées lors de nouveaux développements sur des points de Droit précis, identifiés en fonction des recherches d’une personne.
L’ambition de l’application de l’intelligence artificielle n’est donc pas de prédire la justice, ce qui ne paraît ni souhaitable, ni pos- sible car l’homme doit rester la clé de voûte du système judiciaire. L’ambition est de faciliter le quotidien des professionnels du droit en leur donnant accès rapidement à de l’information pertinente, fiable, analysée afin de conseiller et défendre au mieux leurs clients et interlocuteurs.
La réponse est simple : les algorithmes ne remplaceront pas les avocats, ils travailleront pour eux. S’il fallait le résumer en une approche mathématique, elle serait : Homme + Machine > Homme. En ce sens, on peut parler plus volontiers d’intelligence augmentée que d’intelligence artificielle.
En résumé, l’intelligence artificielle organise l’information juridique pour la rendre rapidement accessible et pertinente. Les algorithmes centralisent et hiérarchisent l’information disponible, reconstruisant l’écosystème d’une décision de justice ou d’un texte de loi. Ce faisant, l’information juridique est à portée de main pour le professionnel du droit. En utilisant un moteur de recherche alimenté par l’intelligence artificielle, il est désormais capable de trouver l’information clé, à chaque fois et en un minimum de temps.
L’objectif doit être d’assurer une complémentarité entre l’humain et l’intelligence artificielle. C’est précisément le but de Doctrine qui développe un moteur de recherche basé sur le traitement du langage naturel et de l’intelligence artificielle, grâce à son système de recommandations auto-apprenant.
Il appartiendra cependant aux professionnels du droit de prendre les bonnes décisions sur la base des informations remontées par l’intelligence artificielle.
L’avocat est et restera responsable de ses actions et conseils.
Grâce à ce soutien technique, les professionnels du droit peuvent se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée et renforcer les liens avec leurs clients. De plus, en améliorant l’accès aux services juridiques, l’intelligence artificielle permet à des dizaines de millions d’individus et de petites entreprises d’avoir accès au droit. Dans ce contexte le métier d’avocat sera au centre d’une demande de droit en croissance et bénéficiera d’une notoriété et d’une influence grandissante.