third
Mai 2018

Numéro Zéro

Retrouvez le numéro zéro de Third : La plateforme, clé de voûte de la révolution numérique.

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Third | Mai 2018

La décision « Uber » de la CJUE du 20 décembre 2017 : quels enseignements en tirer ?

Uber, Uber, Uber… on a l’impression qu’on ne parle que du géant californien lorsqu’il s’agit de tensions juridiques dans le numérique.

La décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 20 décembre 2017 concernant Uber (affaire C-343/15, Asociacion Profesional Elite Taxi / Uber Systems Spain SL) est souvent présentée comme une défaite d’ampleur et les détracteurs d’Uber n’hésitent pas à dire que cette décision annonce la fin du modèle (et plus généralement des plateformes numériques).

L’enjeu de ce renvoi préjudiciel (procédure permettant d’interroger la CJUE sur l’interprétation et la portée de textes issus du droit européen) était de savoir quel corps de règle peut être applicable à Uber : s’agit-il d’une entreprise de transport ou d’une société de l’information ? Il s’agissait seulement de cette question juridique technique pour déterminer si l’Espagne pouvait règlementer son activité sans notifier la Commission (si c’est une entreprise de l’information c’est impossible, si c’est une entreprise de transport c’est possible).

Dans son arrêt, la Cour considère que le service d’intermédiation en cause (un service rémunéré de mise en relation de chauffeurs non professionnels avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains) relève de la qualification de « service dans le domaine des transports » au sens du droit de l’Union Européenne, de sorte qu’il est exclu du champ d’application de la libre prestation de services et du cadre relatif au commerce électronique. La conséquence est la suivante : les Etats Membres peuvent règlementer ces services dans le respect des principes généraux du droit européen.

La Cour justifie cette décision en relevant qu’Uber ne se limite pas à une mise en relation puisqu’est créée une offre de services de transports rendue accessible au grand public par des outils informatiques. Il est également relevé que la présence d’Uber est indispensable à l’existence et au fonctionnement du service mais également qu’Uber fixe les conditions de la prestation.

Sur cette base, la Cour conclut que « ce service d’intermédiation doit donc être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification non pas de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34, auquel renvoie l’article 2, sous a), de la directive 2000/31, mais de « service dans le domaine des transports », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 ».

Cet arrêt est important puisqu’il statue sur la nature du service offert par la plateforme d’Uber mais il est encore tôt pour apprécier sa portée exacte. Si la question du degré d’implication de la plateforme dans la transaction sous-jacente est importante, il est faux de présenter cet arrêt comme une remise en question du modèle d’Uber (ou plus généralement de celui des plateformes). Il s’agit seulement d’une pierre de plus pour apprécier et interpréter les modèles économiques innovants, ce qui aide les entrepreneurs mais également le législateur/ régulateur dans sa compréhension des modèles numériques.

Le raisonnement ci-dessus a été confirmé par la CJUE dans une décision du 10 avril 2018 (affaire C-320/16, Uber France SAS / Nabil Bensalem) également consacrée au modèle déployé par Uber. Il faut mettre en regard ces décisions avec les réflexions européennes sur la régulation du numérique mais également de la construction du marché unique du numérique.

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