third
Mai 2018

Numéro Zéro

Retrouvez le numéro zéro de Third : La plateforme, clé de voûte de la révolution numérique.

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Third | Mai 2018

Fiscalité des sommes perçues par l’intermédiaire des plateformes : le nerf de la guerre politique et économique

 

Les modèles de l’économie numérique permettent aux utilisateurs de générer des revenus complémentaires, ce qui conduit à s’interroger sur les éventuelles règles fiscales applicables (est-ce imposable et soumis à cotisations sociales ? est-ce exonéré ? quels sont les seuils de déclenchement des éventuelles règles ?)

 

La question est épineuse car on parle de sommes (souvent faibles) perçues occasionnellement et sans que les particuliers n’aient la volonté de développer une activité commerciale/libérale complémentaire. Ces sommes ont donc une nature différente, à la fois dans le montant et dans l’esprit, qu’un « vrai » revenu au sens fiscal. La question n’est toujours pas tranchée et le droit commun s’applique (ainsi, sauf exceptions, tout euro perçu est un revenu qui est imposable).

Pour prendre un exemple, regardons vers la Belgique. En 2016, le Ministre Belge en charge de l’agenda numérique (Monsieur de Croo) a mis en oeuvre, pour sortir d’une zone qu’il qualifie lui-même de « grise », d’une nouvelle taxe qui est prélevée à la source, pour les revenus tirés par les «particuliers utilisateurs» des sites de l’économie collaborative en deçà de 5.100 euros par an. Dans l’hypothèse où les revenus de l’utilisateur dépassent ce seuil, l’impôt sur le revenu classique s’applique.

Cette règle belge fait écho à celle proposée depuis 2015 par la Commission des Finances du Sénat et récemment reprise dans une proposition de loi en mars 2017.

En effet, le Sénat a proposé d’instaurer un abattement forfaitaire de 3.000 euros pour les revenus non-salariés perçus par l’intermédiaire des plateformes en ligne, sous réserve qu’ils soient déclarés automatiquement par les plateformes (ce qui est applicable à compter du 1er janvier 2019).

Cette approche pragmatique permet d’exonérer les sommes les plus faibles perçues par l’intermédiaire des plateformes, ce qui favorisera ces modèles économiques et dynamisera ces jeunes entreprises tout en simplifiant la situation des utilisateurs. La déclaration automatique des revenus augmente la responsabilité des plateformes dans une perspective de transparence et de lutte contre la fraude, ce qui peut justifier des mesures fiscales dérogatoires.

Par souci de lisibilité et de pédagogie, la commission des finances du Sénat a rédigé une synthèse de la proposition de loi avec des exemples pratiques et a mis en place un simulateur permettant à tous les utilisateurs de connaître exactement leur situation fiscale.

Sur le fond, la proposition de loi prévoit (i) l’institution d’un régime fiscal bénéficiant aux redevables de l’impôt sur le revenu, (ii) l’adaptation du régime social à ce régime fiscal, (iii) l’institution de la déclaration automatique des revenus des utilisateurs par les plateformes et (iv) des modifications au régime de l’article 242 bis du Code général des impôts.

Pour rendre cet abattement fiscal cohérent avec les règles d’affiliation à la sécurité sociale, la proposition de loi prévoit également l’instauration d’une présomption de caractère non-professionnel de l’activité exercée sur une plateforme en ligne, dès lors que les revenus bruts qu’elle produit n’excèdent pas 3.000 euros par an. Dans le même temps, la proposition prévoit l’instauration d’une déclaration automatique sécurisée des revenus perçus par les utilisateurs de plateformes en ligne. Notons que la déclaration automatique des revenus serait optionnelle mais fortement incitative puisque seuls les revenus tirés de plateformes déclarant automatiquement les revenus de leurs utilisateurs bénéficieraient de l’abattement forfaitaire.

Enfin, le Sénat propose de modifier les dispositions de l’article 242 bis du Code général des impôts en prévoyant notamment de rendre obligatoire le certificat pour toutes les plateformes souhaitant faire bénéficier leurs utilisateurs de l’abattement de 3.000 euros.

Cette proposition a été discutée et débattue devant le Parlement entre octobre et décembre 2017 dans le cadre de la préparation des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018. Elle n’a cependant pas été retenue mais pourrait revenir sur le devant de la scène dans le cadre de nouveaux débats parlementaires car le sort fiscal des gains des utilisateurs des plateformes reste à préciser.

Cette question doit être mise en regard avec l’obligation pour les plateformes numériques, à compter du 1er janvier 2019, de transmettre directement à l’administration les informations concernant les gains de leurs utilisateurs. Ce mécanisme devrait être précisé dans les prochains mois pour pouvoir être mis en oeuvre dans les temps.

Le gouvernement a, au conseil des ministres du 28 mars 2018, présenté un projet de loi de lutte contre la fraude fiscale qui contient des règles spéciales sur les plateformes, en particulier la création d’une amende en cas de non respect de cette obligation par les plateformes. Les modalités de fonctionnement de cette transmission automatisée des données seront intéressantes à étudier.

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