third
Mai 2018

Numéro Zéro

Retrouvez le numéro zéro de Third : La plateforme, clé de voûte de la révolution numérique.

sommaire
Third | Mai 2018

Les flux financiers sur la plateforme : un paramètre économique et juridique essentiel

Bien que certains modèles économiques de l’économie numérique n’impliquent pas de transactions financières (par exemple, les plateformes d’échanges), la plupart conduisent les utilisateurs à effectuer des paiements en ligne.

 

Les questions juridiques soulevées par ces flux financiers doivent être présentées avant d’aborder les différentes organisations possibles pour les plateformes.

Dans le secteur de l’économie numérique, les flux financiers sont clés puisque les places de marché (marketplaces) sont toutes tentées d’encaisser sur leur propre compte bancaire les sommes payées par l’acheteur avant de les reverser au vendeur. Si cela peut se comprendre d’un point de vue économique (fluidité, efficacité, lisibilité), une telle situation est plus complexe d’un point de vue juridique car la place de marché se retrouve à effectuer des services de paiement (passer des ordres, exécuter des virements ou encore encaisser pour le compte de tiers).

La gestion des flux financiers, une activité régulée

Juridiquement, les flux transitant en ligne doivent être abordés avec précaution puisqu’ils peuvent être qualifiés d’opérations de paiement.
Or, la réalisation d’opération de services de paiement, en dehors de toute autorisation et accréditation, est une infraction pénale punissable de trois ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende.

Pour pouvoir effectuer des opérations de paiement, il faut être soit un établissement de monnaie électronique, soit un établissement de paiement ou encore un établissement de crédit, c’est-à-dire obtenir un agrément auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Ces sociétés doivent notamment mettre en place des procédures internes permettant de certifier une certaine rigueur dans le traitement de ces flux.

Les sociétés européennes, immatriculées et agréées dans les autres pays de l’Union Européenne, font exception à ces règles puisque les agréments obtenus dans un pays de l’Union sont reconnus dans les autres pays de l’Union. Ces sociétés peuvent donc fournir des services de paiement en France sans avoir besoin d’obtenir un agrément français en vertu du principe de libre prestation de services dans l’Union Européenne. Dans cette hypothèse, leur seule obligation sera de déclarer à l’ACPR qu’ils souhaitent bénéficier de la libre prestation de services en France.

L’impact de ces règles sur la réalité opérationnelle des plateformes

Les places de marché numériques permettent à l’offre et à la demande de se rencontrer. En plus de cette activité de mise en relation, dans la plupart des cas, les demandeurs payent directement les offreurs à travers la plateforme, qui met donc en place un système de paiement en ligne des biens ou prestations tout en percevant une commission.

Si le premier réflexe consiste à vouloir être autonome et maitriser l’ensemble
des opérations financières transitant sur le site internet, l’obtention d’un agrément auprès de l’ACPR est une procédure longue et coûteuse. De plus, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique sont assujettis à des obligations très contraignantes, au premier rang desquelles figurent les règles concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et la lutte contre le financement du terrorisme.

Il semble donc disproportionné pour la plupart des plateformes de solliciter un agrément. Ces opérations de paiement sont donc généralement externalisées à des entreprises agréées (par exemple, Stripe ou Lemonway).

Schématiquement, le paiement est donc effectué directement entre les utilisateurs tandis que la plateforme perçoit une commission sur cette transaction. Les systèmes de paiement proposés par les sociétés externes permettent de séparer les sommes d’argent et de les répartir dans des « wallets ». Dans certains modèles, il est également possible de bloquer la somme due au fournisseur du service jusqu’à ce que le service soit effectivement réalisé ou que le bien soit effectivement livré.

Cette possibilité permet aux plateformes d’être des tiers de confiance et de garantir aux demandeurs que les offreurs ne recevront pas les flux financiers tant que les obligations ne sont pas exécutées tout en respectant les règles bancaires.

L’avenir des règles applicables aux flux financiers

Ce domaine était réglementé par la directive 2007/64/CE (dite « DSP1 ») avant que la directive 2015/2366 du Parlement Européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (dite « DSP2 ») n’entre en vigueur. C’est désormais chose faite puisque l’ordonnance n°2017-1252 (prise sur le fondement de l’habilitation prévue par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) a été publiée le 9 août 2017.

Conformément aux thèmes abordés par la directive DSP2, l’ordonnance simplifie les conditions d’agrément des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique présentant un volume d’activité limité et renforce les droits des utilisateurs de services de paiement (par exemple, en garantissant leur droit à l’information et en réduisant le montant à leur charge en cas de paiement réalisé à leurs dépens suite à la perte/vol d’un instrument de paiement). Un rapport au Président de la République présente le contenu de cette ordonnance et les principales évolutions du droit français.

Cette question des flux financiers étant clé pour les plateformes numériques et les marketplaces, il est nécessaire d’analyser plus précisément les solutions nouvelles éventuellement apportées par ces nouveaux textes du Code Monétaire et Financier. Ces sujets vont prendre de l’importance dans les prochaines années puisque les exigences d’identification forte avant paiement vont se développer et les entreprises du numérique vont devoir s’adapter pour tenir compte de ces nouvelles exigences

partager cet article
Partager sur

Ce site utilise des cookies d'audience afin d'améliorer la navigation et les fonctionnalités.