Numéro onze
Retrouvez le numéro onze de
Third : Le corps, le numérique et nous
Retrouvez le numéro onze de
Third : Le corps, le numérique et nous
C’est le thème du corps que nous avons choisi d’aborder dans ce numéro 11 de la revue Third.
Souvent associée à la dématérialisation et à l’invisible, la révolution numérique a pourtant une réalité physique et corporelle essentielle. Ce sont nos corps qui font les gestes qui nous permettent d’accéder aux applications numériques sur nos téléphones intelligents et nos ordinateurs. C’est notre corps qui est affecté par la position que nous adoptons pour utiliser les outils numériques. C’est notre enveloppe corporelle dont certains aimeraient prolonger la vie grâce aux techniques numériques. C’est encore notre corps qui est l’objet de la mise en chiffres grâce aux objets connectés.
Le numérique abîme-t-il nos corps ? Quelle est la place du corps dans nos sociétés numériques ? Le cyberespace définit-il une nouvelle corporalité ? Quelles sont les bonnes pratiques pour faire durer son corps dans un monde numérique ? Quelles sont les règles qui devraient encadrer la mise en données du corps ?
C’est pour répondre à ces questions passionnantes que nous avons mobilisé l’approche pluridisciplinaire de Third dans l’objectif de mettre en évidence le caractère universel, quotidien et finalement très concret de la transformation du corps par le numérique.
Nous avons d’abord choisi d’explorer la question de ce que le numérique fait à notre corps, la manière dont nous pourrions tirer parti des outils numériques pour améliorer notre corps et ce que cela signifie pour notre humanité.
Pour commencer, nous avons donné la parole à François Carré, médecin, qui partage avec nous son analyse médicale de la sédentarité, de l’activité physique contemporaine et le rôle des écrans et téléphones dans le cadre de cet enjeu de santé publique.
En écho à ce propos, Anne-Charlotte Vuccino, entrepreneuse et fondatrice de Yogist, présente et décrypte le rôle de l’exercice physique dans le quotidien des professionnels sédentaires et la meilleure manière d’introduire du bien-être au travail.
Au-delà du bien-être, c’est au cœur de la santé et de la longévité que Gabriel Cian, entrepreneur et fondateur d’Ikare, a ancré ses efforts. Notre échange nous a permis d’ouvrir la porte sur l’idée de longévité du corps humain, une démarche qui place les technologies numériques au cœur de l’accompagnement vers une meilleure santé.
Julien Onno, sociologue, partage ensuite son analyse de ce que les méthodes de quantification de soi, symbolisées par les objets connectés et de plus en plus adoptées, signifient et pourquoi elles ne permettent pas de dépasser la réalité physique de chacun.
Nous abordons ensuite la thématique de la transformation du rapport au corps à travers les usages numériques et l’intermédiation des objets du numérique mais aussi dans l’espace numérique.
Jean-Michel Besnier, philosophe, met notre rapport contemporain au corps en perspective dans une interview passionnante, qui aborde la thématique du rapport entre l’humain et les objets, en critiquant la pensée transhumaniste.
Tyler Reigeluth, maître de conférences en philosophie, partage ensuite avec les lecteurs une passionnante analyse des nouveaux gestes que façonnent les objets et applications numériques, leur standardisation et la nécessité d’en protéger la diversité.
Nous avons ensuite choisi d’ouvrir le débat autour des nouvelles frontières entre le corps, l’esprit et la technique, et des questionnements éthiques qu’elles font émerger.
Éric Fourneret, maître de conférences en philosophie et en éthique, explore dans son entretien la manière dont les neurotechnologies bouleversent notre compréhension de l’humain. En retraçant les finalités scientifiques, thérapeutiques, compensatoires et transhumanistes de ces dispositifs, il montre que ces technologies ne relèvent plus seulement de la science-fiction, mais qu’elles redéfinissent déjà notre rapport à la conscience et à l’identité.
Dans la continuité de cette réflexion, le philosophe Mark Hunyadi nous invite à déplacer encore le regard, du corps vers l’esprit. Selon lui, les transformations numériques contemporaines ne se contentent pas de modifier nos comportements : elles colonisent en profondeur notre manière d’être au monde. En s’appuyant sur sa récente « Déclaration des Droits de l’Esprit Humain », Mark Hunyadi appelle à reconnaître l’esprit comme un patrimoine commun de l’humanité.
Jessica Lombard, docteure en philosophie, explore un autre aspect de la rencontre entre technologie et humanité : la modélisation algorithmique des comportements humains. À partir d’un événement a priori ludique – la pandémie virtuelle du « Sang corrompu » dans World of Warcraft en 2005 – elle montre comment les interactions des joueurs ont produit un véritable laboratoire de comportements, révélant la limite des modèles traditionnels d’épidémiologie fondés sur des agents purement algorithmiques. L’avatar devient ici un corps numérique habité, capable de générer du bruit comportemental et de la variabilité, qui échappe à toute formalisation strictement déterministe.
Enfin, nous abordons les questions juridiques renouvelées que pose la relation entre le corps et les nouvelles technologies.
Anisse Chagraoui, juriste et délégué à la protection des données, nous explique brillamment dans son article comment le corps est devenu un objet juridique mis en danger par la révolution numérique et comment la notion d’intégrité numérique du corps pourrait permettre d’y remédier.
Pour terminer ce numéro, Jérémie Aflalo, Michel Leclerc et Arthur Millerand, associés du cabinet Parallel Avocats partagent leur analyse des enjeux, en droit des données personnelles, que pose la mise en données de l’activité du corps humain.
Nous vous souhaitons une bonne lecture de ce numéro et serons ravis de poursuivre nos échanges.
Rendez-vous au numéro 12 en 2026 !
Jérémie Aflalo / Michel Leclerc / Arthur Millerand, éditeurs de la revue Third