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Décembre 2024

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Third : Un monde nouveau

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Third | Décembre 2024

Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub (HDH). Caroline Guillot, sociologue en charge de la direction citoyenne au Health Data Hub (HDH).
Entretien du 18 mars 2024

 
Voir la contribution originelle : « En matière de numérique en santé, nous sommes à l’aube de l’explosion des usages »
 
Third (T) : 3 ans après votre article, quel regard portez-vous sur votre article et la manière dont vous perceviez l’enjeux de l’utilisation secondaire des données de santé ?

 
Caroline Guillot (CG) : Premièrement, le niveau de connaissances des citoyens concernant les données de santé semble s’être élevé. C’est le constat qui a pu être tiré du premier baromètre lancé par le Health Data Hub (HDH) et France Assos Santé, lequel cherchait à évaluer les connaissances sur les données de santé et leur usage secondaire sur un panel représentatif de la société civile1. Les résultats ont été positifs : une personne sur deux connaissait les sujets liés au Règlement général sur la protection de données (RGPD) et la possibilité d’utiliser des données anonymisées dans le cadre de la recherche.

De même, le dialogue autour de l’utilisation secondaire des données de santé s’est enrichi. Il y a trois ans, les discussions étaient centrées sur la sécurité de ces données, leur hébergement et le consentement des personnes concernées. Depuis, des progrès significatifs ont été réalisés : non seulement le dialogue est plus diversifié, mais les confusions concernant les différentes utilisations des données de santé sont moins fréquentes. Le sujet des données est donc un sujet qui peut être discuté !

Il n’en reste pas moins à poursuivre les efforts de pédagogie et de dialogue. La société civile a une vision holistique des différents usages d’une donnée de santé. En théorie, l’utilisation primaire des données de santé renvoie aux données collectées lors de la prise en charge des patients, telles que celles contenues dans Mon espace santé. L’utilisation secondaire, elle, désigne l’emploi de ces données pour d’autres finalités comme la recherche et l’innovation, rendue possible grâce au Système national des données de santé (SNDS). Or une grande partie des recommandations reçues lors de la sensibilisation de la société au partage des données de santé pour la recherche, dans le cadre de la conférence de consensus organisée par France Assos Santé, PariSanté Campus et le Health Data Hub en avril 20232, concernait les données pour le soin primaire et sur Mon espace santé. La distinction entre les deux notions est importante, chaque utilisation poursuivant une finalité qui lui est propre. Il est ainsi fondamental que les acteurs impliqués dans ce domaine endossent la perception holistique que les citoyens ont du sujet, afin de mieux les accompagner et de proposer une communication adaptée.

C’est une préoccupation au cœur de l’action de France Assos Santé, qui en 2024 s’est engagé dans une campagne de communication sur la seconde vie des données. Bien que Mon Espace Santé soit à date destiné au soin primaire, il pourrait tout de même être un outil puissant pour diffuser de l’information sur l’utilisation secondaire des données de santé.
 

Third (T): L’année 2024 a débuté avec une fuite massive de données de santé concernant 20 millions de Français. Pensez-vous que de telles failles de sécurité pourraient dissuader le public de consentir au partage de ses données de santé ?

 
CG : Tout d’abord, il est crucial de développer une pédagogie efficace afin que les citoyens puissent former des opinions éclairées et soutenir les acteurs du secteur dans leurs choix. Chaque citoyen doit être en mesure de comprendre ce qui se joue entre les données nominatives et non nominatives, pour le soin et pour la recherche… Pour l’heure, la société civile est divisée entre, d’une part, les acteurs familiarisés aux études cliniques, plus au fait de la possibilité de partager les données de santé, et, d’autre part, ceux sans connaissances particulières en la matière. C’est le constat qui a pu être tiré en particulier lors de la consultation lycéenne organisée en 2023 par HDH et l’Espace éthique Île-de-France afin de formaliser les questions que se posent les élèves sur les enjeux de l’utilisation des données de santé dans la recherche3, où il est apparu que les connaissances à ce sujet étaient confuses et approximatives. Plus que la sécurité des données, l’accent doit être mis sur l’information de la société civile sur les différents usages des données de santé : la possibilité de les partager à des fins de recherche, le tôle du SNDS, la différence entre information et consentement, la notion d’open data

Parallèlement, il convient d’éviter les postures axées sur la crainte, qui peuvent conduire à insister trop fortement sur les questions liées notamment au droit d’opposition. Le sujet de l’usage des données de santé pour la recherche doit être investigué et documenté aussi sous l’angle de ses bénéfices pour les différents acteurs en cause, tout en identifiant comment les partager auprès de la société civile.
 

Third (T) : Depuis 2023, nous assistons à une augmentation exponentielle des solutions d’intelligence artificielle générative. Quelles conséquences pensez-vous que ces systèmes pourraient avoir sur l’utilisation secondaire des données de santé ?

 
Stéphanie Combes : Les systèmes d’intelligence artificielle (IA) permettant des exploits remarquables. On peut penser au projet HYDRO4, qui prédit les crises d’insuffisance cardiaque chez les patients porteurs d’un pacemaker. C’est précisément afin d’exploiter ces différentes possibilités que le Health Data Hub (HDH) a été créé en 2019.

Cette structure, qui facilite l’utilisation des données de santé pour la recherche et le développement des projets en intelligence artificielle, est aujourd’hui confrontée à plusieurs défis. Ainsi, le programme de travail du HDH pour 2024 prévoit en particulier la réduction du délai d’accès aux données ainsi que l’accélération de la production, la mutualisation et l’articulation entre les sources de données (entrepôts de données de santé : hospitaliers, de ville)5. Il est également prévu de renforcer la dynamique de réseau au niveau national comme européen, et encourager les projets innovants, dont ceux ayant recours à l’IA générative. Du côté de la société civile, le défi est surtout de poursuivre le dialogue et de construire un socle commun de connaissance et une narration commune de l’IA



1. https://www.health-data-hub.fr/actualites/lancement-du-premier-barometre-de-connaissances-sur-les-donnees-de-sante-et-leur-usage (Retour au texte 1)
2. https://www.france-assos-sante.org/communique_presse/les-propositions-citoyennes-pour-parler-du-benefice-des-donnees-de-sante-aux-francais/. (Retour au texte 2)
3. https://www.espace-ethique.org/actualites/consultation-lyceenne-sur-lutilisation-des-donnees-de-sante-dans-la-recherche-et. (Retour au texte 3)
4. https://www.health-data-hub.fr/partenariats/hydro#:~:text=L’objectif%20du%20projet%20HYDRO,très%20régulièrement%20pour%20chaque%20patient. (Retour au texte 4)
5. https://www.health-data-hub.fr/actualites/programme-travail-hdh-2024#:~:text=2024%20constitue%20une%20année%20décisive,réduire%20les%20délais%20d’accès. (Retour au texte 5)

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